Motte des communaux de la Foresterie
Connue par la population locale et nommée « le château », elle est située à la partie sud-ouest de l’actuel territoire de la commune d’Echandelys, à proximité des hameaux de la Foresterie et de la Cibaudie. Ses coordonnées géographiques sont : 45°31’59.5" Nord et 3°33’01.0" Est.
Elle se trouve aujourd’hui en plein dans le massif forestier résiduel de la « silva » du haut moyen âge correspondant au territoire fiscal, à la partie nord de jonction entre le bois du Marquis et la forêt domaniale de Bois Grand. Cette zone géographique correspond à une sorte de no man’s land boisé séparant les communes d’Echandelys et de Saint-Eloy la Glacière au nord, et d’Aix la Fayette et Fournols au sud et sud-est.
Le caractère boisé de son environnement géographique depuis certainement plusieurs siècles, la configuration du terrain en pente ainsi que l’absence de voie de communication proche, expliquent sa fossilisation et son état d’assez bonne conservation.
L’ouvrage est placé sur le bord du plateau du massif du Livradois, surplombant la vallée du ruisseau de la Maillerie qui coule tout de même à une altitude inférieure d’environ 70 mètres pour une distance de 350 mètres.
Cette déclivité importante rend encore de nos jours difficile l’accès à la motte en partant du chemin qui lui est le plus proche et qui serpente sur le flanc de la vallée du ruisseau de la Maillerie.
Accès nord en venant de la vallée du ruisseau de la Maillerie
Immédiatement sur son flanc est, il existe une petite vallée au fond de laquelle coule un petit ruisseau qui se transforme à certains endroits en une narse, et qui rejoint le ruisseau de la Maillerie, mais qui a été certainement été mise en valeur comme toute cette partie haute de la vallée du ruisseau de la Maillerie (cf la découverte d’un fer à bœuf sur le flanc bas de la motte ci-dessous). Cette configuration place la motte sur un promontoire dont les flancs sont escarpés sur pratiquement 270°. Seule sa partie ouest est en léger surplomb.
Description
Partie principale.
Construite sur la pente, le fossé entourant la motte est d’inégale importance en profondeur, alors que sa largeur est relativement stable. En effet, compte tenu de l’importante pente sur laquelle est réalisé l’édifice, celle-ci n’a pas été totalement compensée par la terre creusée lors de la réalisation du fossé. Le parti pris par les bâtisseurs a été de conserver la terre à l’intérieur de la plate-forme de la motte sur les zones où elle est la plus vulnérable, c’est à dire ses flancs sud et ouest mais qui correspondent aux parties initialement les plus hautes de la cour intérieure. Son flanc nord-est quant à lui, est protégé par une importante déclivité du terrain.
Déclivité naturelle du terrain sur le flanc nord-est
Toutefois, compte tenu de l’importance des pierres retrouvées sur son flanc est, il est possible qu’une construction en pierre sèche aujourd’hui ruinée ait renforcé l’édifice à ce niveau.
Eboulis est
La partie principale de l’édifice consiste en une enceinte presque totalement circulaire de 25 à 30 mètres de diamètre, fossé non compris, enceinte qui nous l’avons vu, n’est pas totalement fermée puisqu’elle s’interrompt sur la partie la plus déclive du terrain, globalement sur son tiers nord-est. Le fossé, d’une largeur de 7m50 environ est d’une profondeur variable, allant de 50 cm à sa partie la plus basse (début du fossé sur la partie nord de la motte) pour atteindre rapidement 1,5 à 3 mètres sur les flancs ouest et sud (ces mesures, actuelles, devaient au moment de la construction de la structure, être sensiblement différentes avec en particulier une profondeur supérieure et une largeur moindre, les phénomènes d’érosion ayant atténué les pentes). En raison de la forte déclivité du terrain naturel, il n’est pas horizontal et son point le plus haut est situé sur la zone où arrive un chemin semble-t-il creusé beaucoup plus récemment, ses deux extrémités est et nord-ouest étant beaucoup plus basses. Il n’a donc en aucun cas pu être mis en eau.
Extrémité nord-est du fossé
La terre issue du creusement du fossé a été immédiatement rejetée sur les bords de celui-ci à l’intérieur de la motte, pour former un talus interne faisant immédiatement suite à la pente du fossé et atteindre une hauteur constante d’environ 3 mètres. De ce fait, le tiers nord-est non protégé par le fossé ne possède pas de talus non plus. Toutefois, la forte déclivité du terrain, la possible construction d’un mur en pierre sèche ou plus vraisemblablement celle d’une palissade en bois suffisait à protéger le flanc nord-est de la motte.
Le talus réalisé à l’aide de la terre excavée du fossé ne possède pas de largeur sommitale suffisamment importante pour pouvoir supporter un habitat résidentiel. Il ne devait être surmonté que d’une palissade de bois à titre défensif.
Talus dans sa partie sud
Il possède à la base une largeur de 7 à 8 mètres, à peu près identique à la largeur du fossé.
En dehors de la présence d’un pierrier situé à l’extrémité est du fossé et déjà présenté, on retrouve dans l’enceinte de la motte, appuyée sur la partie sud du talus, une zone de pierres au sol formant un rectangle de trois côtés de 3m de longueur sur la partie la plus haute des amas, le quatrième côté étant fermé par le talus. Il s’agit vraisemblablement d’un soubassement de pierre d’un édifice d’origine indéterminée appuyé sur la partie sud du talus, à l’endroit ou l’ouvrage était le plus vulnérable car surplombé par le plateau qui lui est légèrement supérieur. Faut-il y voir les restes de solins de pierres supportant les structures en bois d’un donjon ou d’une poterne d’entrée dont les parties supérieures étaient en bois ?
Amas de pierres formant trois côtés adossé à la partie sud du talus
Aucune des pierres retrouvées sur le site ou sur ses annexes n’est apparue taillée (prospection en surface uniquement).
Structures annexes.
Elles se regroupent en deux pôles.
Le premier, situé au nord, correspond en un fossé s’ouvrant vers la vallée du ruisseau de la Maillerie. Il est situé à 23 mètres de l’extrémité nord-est du fossé du site principal et mesure lui-même une dizaine de mètres. Ses profondeur et largeur sont identiques à celles du fossé de la motte castrale. Immédiatement à son extrémité sud (c’est-à-dire à proximité du site principal), on retrouve un pierrier mal limité d’environ 50 m². Le fonctions de ces deux structures restent inconnues.
Le deuxième pôle de vestiges est situé à l’opposé du premier, en allant vers le sud, sur la crête sommitale dominant légèrement la motte castrale. Il consiste en deux zones de pierres au sol, sans ordre apparent réalisant pour le premier une surface carrée d’environ 10 mètres de côté et pour la seconde, située plus au sud un triangle de surface sensiblement identique. Aucun fossé ou talus n’entoure l’une ou l’autre de ces deux structures. Ces deux zones couvertes de pierres possèdent une végétation différente des autres zones, faite essentiellement de bouleaux et de sorbiers restant peu nombreux et de petite taille.
Pierrier extérieur sud
On peut penser que ces structures furent construites dans un second temps, soit pour servir de protection à la motte castrale dans sa partie la plus vulnérable, soit pour servir de bâtiments utilitaires (adjonction de constructions d’habitation ou de bâtiments à usage agricole bien qu’il ne puisse s’agir à proprement parler d’une basse cour. Seule une fouille archéologique permettrait d’avancer dans la connaissance de ces zones et d’affirmer avec certitude leur origine anthropique.
L’apport des textes.
La confrontation aux sources écrites donne un résultat particulièrement décevant. Le site est situé sur la parcelle 804 de la section C du cadastre napoléonien et correspond au «communal du hameau de la Foresterie». Il est en 1834 totalement boisé.
Numérisation du cadastre napoléonien de 1834
La seule mention écrite concernant cette motte est retrouvée dans un terrier de la famille la Fayette datant du 19 novembre 1607 (issu d’un autre ouvrage du 25 novembre 1375) où il est noté que les héritages, mas et tènements appelés de la Fourestarie […] jouxte […] les communs et bois anciennement appelés du Chastel s’estandant jusques aux fontaynes appellées des Farges et doux Fournet du costé de midy et en partye de nuyt d’autre partye.
Terrier de la maison de la Fayette AD du Puy de Dôme 2E O 1944
Une autre mention est retrouvée dans un dénombrement de la terre de la Fayette, daté du 28 juin 1684, présenté par Louis du Mottier au bureau des finances de Riom, où il est déclaré que le Grand Bois se confine par […] les bois du Chatel et les terres du village de la Sebodie de midi.
Il est donc clair qu’à la fin du XVIe siècle, la zone, déjà au moins en grande partie (re)boisée, ne contient plus de château actif et fait partie des communaux du hameau de la Foresterie. Le site est alors suffisamment ancien pour que sa dénomination ait été totalement perdue par la mémoire locale.
Malheureusement, aucun autre texte plus ancien connu à ce jour ne nous permet d’aller plus avant dans notre quête toponymique. Nous sommes alors obligés de nous arrêter là. Malgré tout, il est possible d’aborder la question par un autre angle.
S’il n’est pas possible dans l’état actuel de nos connaissances de connaître le nom du lieu d’édification du château, il est peut-être utile de préciser les personnages locaux qui possédaient un certain pouvoir entre les Xe et XIIIe siècles, dates extrêmes de vie de l’ouvrage. En ce qui concerne cette partie du Livradois, les sources les plus anciennes et les plus fiables proviennent du Cartulaire de l’abbaye de Sauxillanges. Fondée par deux donations successives datées de 917 et 927, l’abbaye accroît rapidement son temporel par de multiples et successives donations qui intéressent en majorité les Xe et XIe siècles. Les premiers moines installés à partir de 944 atteignent le nombre de 80 à la fin du Xe siècle. Nous allons donc nous intéresser aux différents protagonistes des actes du cartulaire concernant des lieux situés à proximité de la motte castrale et dans le laps de temps considéré.
En ce qui concerne la paroisse d’Echandelys, les archives de Sauxillanges sont totalement muettes et il faut attendre 1240 pour voir Guillaume Motier, qualifié de miles, faire hommage lige pour ses possessions sur les paroisses d’Ays, de la Fara, de Fahet et de Chandalis. C’est la première mention concernant Echandelys trouvée en archives. Malheureusement ces possessions ne sont pas détaillées.
Il n’est donc possible d’utiliser ces différentes sources comme référence géographique pour nommer notre motte. La dénomination de celle-ci reste donc, jusqu’à d’éventuelles nouvelles découvertes, inconnue. L’analyse des différents protagonistes cités dans ces actes peut nous apporter plus de renseignements. En l’absence de certitude absolue, trois hypothèses peuvent se dégager. Mais revenons tout d’abord aux relations particulières liant la motte castrale et son occupant principal. Celles-ci ont été particulièrement étudiées par S Mazurier dans sa thèse de doctorat. Les mottes castrales, dans le Maine et en France en général, apparaissent entre les Xe et XIIIe siècles. Au delà, plus aucune n’est construite. Or, au XVe siècle, très peu de mottes sont le siège d’une châtellenie. 40% des mottes sont associées à des personnages qui apparaissent lors de la seconde moitié du XIe siècle et dont on ne peut affirmer qu’ils sont de véritables châtelains. En particulier pour les mottes « secondaires », la garde en est confiée à des soldats faisant partie de la mouvance d’une châtellenie. Ceux-ci ne donnent dans la majorité des cas pas naissance à une lignée noble. Il existe donc des mottes sans châtelains et des châtelains sans motte. De plus, à la fin du XIIe siècle, les familles qui occupent ces mottes disparaissent sans que les droits féodaux ne s’effondrent, pour deux raisons. La première est que la motte n’ayant plus de raison d’être, elle n’es plus occupée et la famille châtelaine qui en avait assuré la création recouvre la totalité de ses droits féodaux y attenant. La seconde est que la famille à laquelle était éventuellement confiée la motte délaisse celle-ci pour se rapprocher du centre de la paroisse la plus proche, où ils perçoivent éventuellement des droits. Les mottes castrales n’ont donc que dans de rares cas donné naissance à un château ultérieur et leurs occupants ne furent le plus souvent que des « milites castri » qui ont rarement donné naissance à une lignée noble. Il ne faut donc vraisemblablement pas chercher parmi les occupants de cette motte une famille noble qui aurait fait souche dans la région, mais plutôt un soldat ou une famille faisant partie de la mouvance d’une grande famille noble connue ultérieurement.
L’étude des textes du cartulaire de l’abbaye de Sauxillanges permet de dégager deux groupes de personnages pouvant avoir joué un rôle militaire significatif dans la région. Le premier concerne la famille Rafin, nommée une première fois entre 1000 et 1030 (charte n°636 concernant St Eloy), en la personne de Stéphane. Cette famille possède un statut relativement élevé car il s’engage pour lui et ses vassaux Chavichag et Maltallatus à cesser ses mauvaises coutumes envers l’église du lieu. La charte 800, concernant aussi St Eloy, plus tardive (2e moitié du XIe siècle), cite un Jean Rafin, témoin de la restitution d’une appendarie ainsi que d’une redevance sur cette même église par Gilbert Motier, ancêtre de la famille de la Fayette. Il est donc possible que la famille Rafin ou ses vassaux, initialement ou secondairement dans la mouvance de la famille de la Fayette, ait tenu cette motte castrale. Le deuxième groupe de personnes ayant pu jouer un rôle est retrouvé dans les chartes 633, 634 et 802 où Guillaume de la Molette du château de Montboissier est cité avec des subordonnés dont Bernard Cereis, Mayeul, mais surtout la famille de Guinera dont certains membres sont soldats et l’un est clerc, ce qui témoigne de l’importance et de la vitalité de la famille. Ce groupe est cité directement dans la charte 634 à côté de Maurice de Montboissier. Ces actes sont datés entre 1080 et 1114. Enfin, et peut-être plus troublant sur le plan linguistique, la charte 632 datant de la même période, met en scène Pierre de Bulhon cède son alleu sur l’église d’Aix ainsi que la moitié du manse de Faux (St Genès la Tourette), ainsi que celui de ses vassaux dont Charles et Rodolphe de la Motte. En poussant le raisonnement plus (trop ?) loin, le nom même de Motier, porté par la famille appelée ultérieurement de la Fayette peut être évocateur de la motte qui nous intéresse, ceci d’autant plus qu’une tradition locale se fait l’écho du transfert du château de la Fayette depuis au moins un site antérieur.
Il s’agit donc d’une structure en terre dont la caractérisation en motte castrale ne peut faire de doute. Son souvenir ne s’est perpétué que dans la mémoire collective, transmettant seulement un nom « générique » utilisé dans les textes pour la dernière fois au XVIIe siècle, eux-mêmes pâles souvenirs d’une réalité antérieure. La période de vie de ce type de structure, entre les Xe et XIIIe siècles, pendant les « âges sans textes », rend son étude historique difficile. Elle est située à proximité d’un cheminement antique, déjà appelé via publica pendant la 2e moitié du Xe siècle. Mais plus que le contrôle d’une voie de circulation, elle a certainement pu être établie en raison de l’affaiblissement du pouvoir comtal, entraînant une insécurité croissante, mais surtout en raison de la seconde grande ouverture du couvert forestier pendant le haut moyen âge. Lors de cette période de poussée démographique, on observe de nombreuses entreprises de défrichement (VIIIe au IXe siècle) et il est possible que, comme en Belgique, apparaissent des sites fortifiés, chargés de sécuriser les centres de colonisation agraires. Il est alors logique que ce défrichement ait suivi la vallée du ruisseau de la Maillerie. La découverte fortuite d’un fer de bœuf en prospection au sol, sur le flanc est du promontoire supportant la motte, témoigne du caractère agricole ancien de cet espace, de même que la présence d’une serve avec un petit canal de dérivation situé à l’extrémité de la petite vallée entourant le promontoire de la motte. La motte est alors un instrument agraire, situé au pourtour des bois, moteur de la croissance agraire et de la conquête de terres auparavant vouées au saltus.
Fer à bœuf découvert en surface au sud-est à flanc de vallée à environ 200 mètres de la motte castrale.
Serve et son canal de dérivation situés en fond de vallée sous le motte.
De plus, cette structure se situe au confins des espaces déterminant les paroisses environnantes, en cours de constitution, à cette période, mais surtout à la limite des zones d’influence de deux futures grandes familles les Montboissier et les la Fayette. Ainsi, même si le site a été construit, ce qui est peu vraisemblable, par un soldat en pleine propriété, il est rapidement tombé dans la mouvance de l’une de ces deux familles. Plus certainement, c’est l’une de ces deux familles, qui s’affrontant lors de leur montée en puissance, a posé ce jalon témoignant de sa conquête de l’espace, interdisant au voisin de s’approprier ces terres, fixant progressivement leurs limites d’influence. Il a certainement été confié à une famille de chevaliers (milites castri) relevant d’une famille châtelaine dont la durée d’occupation n’a pas été suffisante pour donner naissance à une lignée noble portant le nom du lieu détenu en hommage. Compte-tenu de la position géographique de la motte, il s’agit plus vraisemblablement de la famille de la Fayette qui l’a construite ou au moins reprise à la famille de Montboissier. Puis avec le temps, les tensions territoriales s’atténuant, la déprise démographique liée à la grande Peste et à la guerre de Cent ans ont fait abandonner cette fortification dont seules les traces fossilisées par la forêt subsistent aujourd’hui, expliquant son absence dans les textes de la fin du moyen âge et de la renaissance ainsi que son absence de trace visible sur le parcellaire cadastral napoléonien, issu de la reconquête du XVe siècle, le parcellaire antérieur étant complètement perdu dans ces hautes terres peu fertiles par le reflux démographique des XIIIe et XIVe siècles.
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